Musique, Joy Denalane album Let Yourself Be Loved Deluxe

 ablum Let Yourself Be Loved Deluxe Joy Denalane

Chez les Denalane, la musique était partout. La jeune Joy, passait particulièrement d’innombrables heures devant les étagères à disques paternelles et connaissait la plupart des œuvres auxquelles elle fait maintenant référence avant même de savoir lire ou écrire. Les disques de soul, jazz et funk de son père l’ont marquée et ont défini l’orientation musicale qu’elle allait adopter en tant qu’artiste. Il est impératif de savoir tout cela pour pouvoir sonder la puissance musicale de cette artiste. 

Joy Denalane sortira en septembre prochain la version deluxe son album Let Yourself Be Loved, toujours sur l’anthologique label Motown. L’album est tout autant une affirmation de soi, une recherche généalogique et un hommage aux grands classiques du genre. Un chef-d’œuvre musical sur lequel Denalane combine avec souveraineté tous les fils de ses créations antérieures. Le 16 juillet dernier, elle nous présentait le deuxième extrait de son album intitulé Forever. Dès la première note, le titre sonne comme s'il avait été produit en 1967 dans les légendaires studios d'enregistrement Motown Hitsville à Detroit et non pas presque cinquante ans plus tard à New York et à Munich. Les chœurs, la basse iconique, les sons de flûte : tout est classique.

C'était là toute la difficulté : "La chanson était un véritable défi", dit Joy. Auparavant, d’autres pépites ont été dévoilées telles que Be Here In The Morning ft. C.S. Armstrong ou encore The Show.

 Joy Denalane album Let Yourself Be Loved Deluxe

  (c) 2020 Bennie Julian Gay

Avec «Let Yourself Be Loved», Joy Denalane a enregistré sa déclaration soul définitive. L’album est tout autant une affirmation de soi, une recherche généalogique et un hommage aux grands classiques du genre. Un chef-d’œuvre musical sur lequel Denalane combine avec souveraineté tous les fils de ses créations antérieures. Au début, il y a eu l’idée. Et si tout avait toujours les séduisantes facilité et légèreté du son des meilleures chansons soul, la mise en œuvre de cette idée n’aurait été rien de plus qu’un jeu d’enfant : "Je voulais faire un album soul des plus classiques", déclare en effet Joy Denalane. 

"Du point de vue stylistique, je voulais me situer dans la phase allant de la fin des années soixante à environ 1973." Cette phrase dissimule toutefois déjà l’une des raisons pour lesquelles nous devons commencer par rembobiner de quelques années si nous voulons raconter l’histoire de «Let Yourself Be Loved», le nouvel album soul tout à fait fantastique de Joy Denalane. On retrouve sur cet album les arrangements aux vibrations dramatiques, la voluptuosité, les mélodies divines que l’on associe à cette musique. Mais, sans son très long préambule, sans les problèmes rencontres au cours de la recherche du bon son et de la bonne expression, ce serait devenu un tout autre album. Probablement un album dépourvu de légèreté. Ceux qui trouvent cela paradoxal devraient d’abord jeter un œil à la branche de la soul d’où Joy Denalane puise ici son aspiration. 

Pour le genre, les années à partir de 1968, environ, marquèrent un tournant décisif et sont aujourd’hui considérées, à raison, comme la période durant laquelle la soul se mua définitivement en une force sociale et politique avec sa propre efficacité et se transcenda du point de vue musical. Inspirées par l’exemple des Beatles et les évolutions sociales et politiques de l’époque, de nombreuses stars de la soul n’avaient à l’époque plus envie de chanter des chansons d’amour languissantes pour l’Amérique blanche des beaux quartiers. Elles voulaient un art plus durable, des chansons qui traduisent en musique ce qui se passait dans les rues. À l’époque furent créées des classiques encore valables aujourd’hui qui allèrent bien au-delà du genre et que toute liste des meilleurs albums de tous les temps se doit de contenir. Donc, quand nous parlons d’œuvres telles que «What’s Going On», «Songs In The Key Of Life», «Hot Buttered Soul», «Spirit In The Dark» ou «Superfly», d’artistes tels que Marvin Gaye, Stevie Wonder, Isaac Hayes, Aretha Franklin et Curtis Mayfield, une question évidente se pose : comment trouver sa propre voix dans un espace tellement éclairé et interprété, comment ajouter quelque chose de pertinent  à ce canon incroyable ? Face à de telles icônes, il est aisé de se sentir très petit. Même lorsque l’on s’appelle Joy Denalane. «Enfant, j’avais presque peur de la voix puissante d’Aretha Franklin», déclare-t-elle.

 Joy Denalane

 (c) 2020 Bennie Julian Gay

Mais une chose est claire : s’il y a bien quelqu’un pour lequel un rapprochement artistiquement convaincant avec ces œuvres gigantesques n’est pas d’emblée condamné à l’échec, c’est évidemment cette femme. Surtout qu’elle a étudié presque toute sa vie cette musique et ses interprètes. «Mon père possédait des centaines de disques, raconte Joy. Notre salon croulait sous sa collection.» Chez les Denalane, la musique était partout. La jeune Joy, surtout, passait d’innombrables heures devant les étagères à disques paternelles et connaissait la plupart des œuvres auxquelles elle fait maintenant référence avant même de savoir lire ou écrire. Les disques de soul, jazz et funk du père l’ont marquée en tant que personne et ont défini l’orientation musicale qu’elle allait adopter en tant qu’artiste. Il est impératif de savoir tout cela pour pouvoir sonder la puissance musicale de «Let Yourself Be Loved». En abordant la musique de son enfance avec cette profondeur et ce dévouement, Joy Denalane ne part pas seulement à la recherche de ses racines musicales. Il ne s’agit pas ici uniquement de simulations vintage d’anciens enregistrements soul. Il s’agit bien évidemment d’une chose : l’identité. Musicale, politique, personnelle. L’aspect biographique, le souhait d’identification court déjà à travers l’œuvre de cette femme. Des son premier album «Mamani», récompensé par un disque d’or, Joy Denalane était partie à la recherche des racines sud-africaines de son père, s’était rendue dans le pays d’origine de celui-ci et avait travaillé avec des musiciens locaux. «Born & Raised», avec lequel elle a atteint la 2e place des charts allemands, portait le désir d’une identité claire rien que dans son titre et était surtout consacré à sa grande passion pour le R&B. 

Sur les albums du top 10 «Maureen» et «Gleisdreieck», Denalane se confronta à sa biographie et revisita musicalement les lieux de son enfance et de son adolescence. L’idée d’un album de soul classique comme point culminant de ce voyage musical particulier est donc logique en soi et déjà un peu plus ancienne. Avant même son dernier album «Gleisdreieck», Joy Denalane s’était attelée à la production. A l’époque, elle travaillait avec des compositeurs et producteurs dans le quartier new-yorkais de Williamsburg et y avait déjà produit les démos qui forment désormais la base de «Let Yourself Be Loved». Mais, alors qu’il devait entrer en production, quelque chose clochait. «Nous n’arrivions tout simplement pas à créer le son que j’avais en tête, dit-elle. Nous étions à la fois très proches et à des kilomètres de l’objectif.» C’était en 2015, à peu prés, et Joy laissa le projet de coté suite à cette expérience démotivante. Ce disque, si important pour elle, elle voulait soit le faire bien, soit ne pas le faire du tout. Elle écrivit et produisit «Gleisdreieck», la vie continua, les années passèrent. Mais les questions suivantes finirent par émerger de son entourage : «Au fait, les super chansons de soul que tu avais faites, elles sont devenues quoi ?» Joy ressortit donc les démos et décida de faire une nouvelle tentative. 

 Joy Denalane

(c) 2020 Ulrike Rindermann

L’une des grandes vérités de la vie veut que la meilleure solution soit souvent bien plus proche que ce que nous avions pensé. Joy Denalane s’était triturée la cervelle pour trouver des producteurs appropriés pour «Let Yourself Be Loved», sans même penser à son vieil ami et partenaire musical Roberto di Gioia. et compositeur et, une nouvelle fois, il s’avéra être un très bon choix. Il faut savoir que Di Gioia est l’un des pianistes de jazz les plus marquants au monde et il avait déjà joué avec des noms tels que Johnny Griffin, Art Farmer et Woody Shaw alors qu’il avait à peine vingt ans. C’est-a-dire avec des musiciens de jazz américains issus de la même génération que les musiciens de The Funk Brothers, le groupe en résidence de la Motown, à qui les enregistrements classiques du label doivent leur son et qui étaient également issus, sans exception, du jazz. ́

Dans tous les cas, Joy Denalane envoya les anciennes démos à Di Gioia. "A vrai dire, je lui ai juste demandé de les écouter", raconte Joy, "mais une semaine plus tard j’ai reçu cinq arrangements qui m’ont coupé le souffle." Il était enfin là: le producteur qui avait compris la vision musicale de Joy Denalane pour «Let Yourself Be Loved». Cependant, avant d’en arriver la, Di Gioia se rendit en Suisse, à Berne pour être plus exact. Sur Ebay, il avait découvert une Fender Precision Bass de 1966, un modèle semblable à celui utilisé par James Jamerson, le bassiste des Funk Brothers, sur tous les enregistrements légendaires de Motown auxquels il avait participé. "Sans la basse, l’album ne sonnerait pas comme il le fait", déclare le producteur. Suite à cela se développa dans un studio à Munich Unterfohring un processus de production dont Joy Denalane se souvient comme l’un des meilleurs de toute sa carrière. Pour l’essentiel, Denalane, Di Gioia et l’ingénieur son également impliquées, Jan Krause, se sont appuyés sur les compositions originales pour les arrangements et mélodies. Animés par la passion et l’amour de la soul, ils mirent un soin maximum dans la sélection des musiciens et la recherche des bons microphones. Le meilleur exemple pour l’évolution que les chansons vécurent pendant cette production est peut-être «Be Here In The Morning», un duo avec le fabuleux chanteur de soul texan C.S. Armstrong. "Cette chanson est née plutôt par hasard lors de mon dernier jour à New York", raconte Joy. Il ne nous restait que quelques heures avant mon vol alors nous avons fait un petit Reggae Jam, sans y associer d’ambitions particulières. Je pouvais à peine croire ce que Roberto avait fait de cette chanson lorsqu’il me l’a fait écouter.

 Joy Denalane

  (c) 2020 Bennie Julian Gay

La dramatique «Wounded Love», «The Ride» qui rappelle Marvin Gaye ou «I Gotta Know» au rythme combatif sont aussi des chansons dans lesquelles Joy Denalane s’est installée avec un tel confort que l’on a tôt fait d’oublier ses illustres exemples. Et dans « I Believe » que Joy chante avec l’artiste de US Motown BJ The Chicago Kid –qui s’est retrouvé derrière le micro pour, entre autres, Kendrick Lamar, Kanye West et ̀Anderson Paak –on entend en effet particulièrement bien la basse de James ̀Jamerson. "J’ai fait ce disque", déclare Joy Denalane. "Il était pour moi question de son et dé-sentiments, d’une recherche de moi-même: d’où je viens, qu’est-ce qui me caractérise, si j’abandonne tout le reste, qu’est-ce qui reste ?". En apparence, dans la plupart des chansons, elle chante sur l’amour dans toutes ses facettes : l’amour pour les amis, les enfants, bien sur aussi l’amour romantique. Cependant elle le fait de manière similaire ̀à la soul d’antan, où les thèmes universels se voyaient attribuer un niveau de signification supplémentaire et une connotation politique. La douleur et l’urgence dont regorgent ces chansons d’amour dressent évidemment un parallèle avec le mouvement noir des droits civiques et la souffrance causée par le racisme et la marginalisation. Et cette souffrance est malheureusement internationale et ne se limite pas aux États-Unis des années soixante. «Sur ce disque, je ressens beaucoup ma propre douleur, ma colère, mon désespoir et ma vulnérabilité", dit Joy. Cette musique fait ressortir ces sentiments et les canalise encore plus que les disques d’avant. Les expériences que Joy Denalane a vécues en tant que femme noire dans la diaspora allemande sillonnent «Let Yourself Be Loved». Durant son enfance et son adolescence, il n’y avait que très peu de noirs dans ce pays et aucun son qui parlait de ses expériences quotidiennes de racisme et de marginalisation. "Pendant toutes ces années, je me suis heurtée à des murs", déclare Joy, "même dans la ville cosmopolite et éclairée qu’est Berlin. La musique m’a donné de la force et a contribué à une prise de conscience. En tant qu’enfant, c’est juste un sentiment bizarre d’être marginalisé, on ne comprend pas encore. Notre mère nous coiffait parfaitement tous les matins. Le message que nos parents nous ont transmis était : vous devez toujours être meilleurs que les autres, si vous avez un déficit, vous devez le combler. Aujourd’hui j’ai conscience de ce que je ne pouvais pas encore savoir à 20 ou 25 ans : on ne s’habitue jamais à ces blessures et rejets, cela ne s’améliore pas. La catégorisation permanente rend fou et toujours plus sensible." Cependant, cela ne rend en aucun cas cette Berlinoise de naissance, la grande artiste Joy Denalane, moins combattive : parfois, quand on chante sur l’amour, il peut aussi être question de l’absence d’amour. C’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles «Let Yourself Be Loved» est l’essence même de Joy Denalane.

 Un album qui vous happe dès la première écoute.

Joy Denalane

(c) 2020 Ulrike Rindermann

JOY DELALANE

ALBUM Let Yourself Be Loved Deluxe

Dès septembre chez Label Motown

 

 

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