Critique documentaire Juste avant la nuit avec Michel Bouquet

 

Critique documentaire Juste avant la nuit

JUSTE AVANT LA NUIT

Synopsis

Au rythme des marées, isolé dans un hôtel face à la mer.
Michel Bouquet voit resurgir les œuvres et les pensées des plus grands auteurs de théâtre et de cinéma du 20e siècle.
Des êtres qui ont jalonné sa vie et forgé sa pensée. Le réel pour lui s'est évanoui, il n'y a plus que la fiction qui compte.
Durant ces jours face à la mer, il va nous livrer le vérités d'un acteur hors normes qui fut la référence des grands auteurs du Théâtre de l'Absurde, Pinter, Ionesco, Strindberg, Camus...
Durant ces nuits de naufrage c'est le crépuscule de sa pensée qu'il conjure.

Critique documentaire Juste avant la nuit

Ce jour ce sont deux rôles du regretté Michel Bouquet que je vous présenterai. Nous commençons avec Juste avant la nuit, un documentaire signé Jean-Pierre Larcher.

Je vais vous citer une note d'un producteur pour vous montrer à quel point ce grand comédien était apprécié, son travail reconnu et l'on y découvre un peu plus l'homme qu'il était : 

"Les deux films que nous vous présentons ont un passé, une histoire qui débuta il y a plus de 10 ans par notre rencontre avec Michel Bouquet. Une histoire qui se clôture par ses deux derniers films, les derniers de sa carrière, le documentaire Juste avant la nuit et le long métrage Cérémonie Secrète.
Michel Bouquet nous a quitté le 13 avril.
Nous ne savions pas que pendant toutes ces années, il nous chuchotait. Une vie de travail dévouée aux auteurs.
Tout le théâtre de l'absurde et une partie du cinéma qui s'en réfère a convergé vers lui, de Albert Camus, Pinter, Ionesco, Anouilh, Malraux.
Au cinéma avec Chabrol, Edouard Luntz et Truffaut, Resnais, Welles, Abel Gance, un panthéon d'auteurs qui ont fait la pensée du 20ème siècle.
Des auteurs avec qui il n'a pas seulement travaillé mais échangé un quotidien d'une richesse aujourd'hui insoupçonnable.
Pourquoi de Camus à Grémillon, à Thomas Bernhard, Eugène Ionesco pourquoi sont ils venus à lui, en amenant leurs œuvres majeures, théâtrale et cinématographique.
Que venaient ils donc chercher face à lui ? Une synthèse de la tragédie humaine, un musée imaginaire de pensées ?
Il donnait aux auteurs un rôle prépondérant dans nos sociétés celui d'éclaireur de conscience, un antidote à l'ignorance, à la haine.
Une métaphysique étrange, les mots, le style de ces grands textes se sont mêlés en lui dans une étrange singularité.
Il semblait tout avoir absorbé et fait sienne les pensées de ces auteurs. Tissant des fils imaginaires entre eux.
Sa pensée rompt les masques fragiles des morales et les certitudes actuelles. Son travail de portraitiste de l'âme humaine apparaît aujourd'hui plus clairement. Il a acquis cette clairvoyance par la peinture. Chaque détails semblait avoir été disséqué non pas d'une manière intellectuelle mais par intuition charnelle.
Un tableau qui, comme le texte d'un auteur, il a disséqué avec précision, l'amenant progressivement à une autopsie de vérité.
Une fouille douloureuse, acharnée pour extraire du texte le sens caché et véridique des mots et faire prendre vie au personnage leur donner une forme, un destin afin qu'ils nous éclairent sur nos vies.
Cette culture, seul moyen de répondre aux femmes et aux hommes quand ils se demandent ce qu'il font sur la Terre.
Défendre les personnages coûte que coûte, toutes leurs facettes sans aucune morale, sans œillères. Pour lui il n'y avait plus que la fiction qui comptait. Pendant le tournage de Cérémonie Secrète puis celui de Juste avant la nuit, Michel Bouquet, bouleversant nous parlait de cette transmission inhérente des morts aux vivants. Il disait qu'il en était là dans ce crépuscule et qu'il glissait lentement derrière ses livres, qu'il avait besoin d'y travailler.
Cérémonie Secrète et Juste avant la nuit naissent de l'ultimatum de sa mort. Il savait que son corps se dérobait. Il y voyait de la lâcheté mais c'était notre époque qui se dérobait sous ses pieds. Un crépuscule que ces deux films ont essayé de conjurer en vain. Le documentaire éclaire le film de Tatiana Becquet sur
cette relation si particulière qu'il a su entretenir avec les auteurs.
Un interprète unique qui a cédé sa vie pour devenir sans le vouloir le gardien d'un tombeau imaginaire, un tombeau de fictions.
Quelques semaines après le tournage des deux films, il tomba malade, sans trop savoir pourquoi.
Depuis, il était plongé dans un terrible mutisme, entouré par ses monstres comme dans un tableau de Jérôme Bosch qu'il vénérait tant.
Ces deux films sont les dernières apparitions de ce monstre sacré.

Mon amitié avec Michel Bouquet s'est construite au fil du temps.
Nos conversations sur sa carrière, sa dévotion à son travail d'acteur, aux auteurs, aux textes furent l'objet de quatre documentaires réalisés avec lui. De Pinter, Camus, Ionesco, à Chabrol, Welles qu'il a connu personnellement. Il est devenu leur porte parole, le porte conscience d'un cinéma et du théâtre de l'absurde. C'est ce destin qu'il nous relate dans ce documentaire Juste avant la nuit. Ses dernières paroles y sont réunis.
Sa rencontre avec Tatiana Becquet la réalisatrice du film fut déterminante. Il vit en elle un espoir, une génération ne voulant pas se résigner à un certain nivellement du goût et de la pensée. Ils le savent tous les deux, le cinéma n'est pas que du divertissement.
Il doit relater de l'absurdité de nos vies, troubler nos consciences, les faire progresser.
Sur le ton de la fable Cérémonie Secrète nous parle d'exclusion sociale, une lutte des classes insidieuse qui règne de manière hégémonique sur notre époque.
Cérémonie Secrète nous dévoile cette pensée qui bloque la société française dans des ressentiments troubles et funestes. Les intégrismes de tous bords s'épanouissent, les ismes en tout genre fleurissent avec leur lots de certitudes. Derrière tout cela se cachent des maux bien plus anciens.
L'exclusion sociale faite de codes, de goûts, de comportements s'est insinuée à nouveau partout et règne de manière hégémonique. Excluant les formes nouvelles, les nouveaux indigents sont nés. Depuis la nouvelle vague, le cinéma français s'est glissé dans cette ornière morale, un conformisme de norme.
De l'écriture du scénario jusqu'au tournage du film, Michel Bouquet a soutenu ces deux films jusqu'au bout. Deux films dans un miroir
". - Jean-Pierre Larcher Producteur

Critique documentaire Juste avant la nuit

Extrait du documentaire concernant Michel Bouquet :

"Tous les grands auteurs ont des conversations insensées, toutes les nuits, à discuter entre eux, à travailler comme des dingues, dans un autre monde. Ils parlent entre eux après une représentation théâtrale ou ils ont été présents, c'est la vie de l'esprit qui est en jeu, ça mérite le respect, ça mérite qu'on se sacrifie." - Michel Bouquet, extrait de Juste avant la nuit.

Michel Bouquet se confie sur ses rôles, sur le théâtre, des personnes qui ont compté pour lui. Ses pensées sont là, bien là, et l'on se réjouit de le retrouver à l'écran pour nous émouvoir une fois encore.

Critique documentaire Juste avant la nuit
 
JUSTE AVANT LA NUIT
Réalisé par Jean-Pierre Larcher
Portrait documentaire sur Michel Bouquet
Distribué par 81⁄2 Distribution /Piera Productions 
Genre : Documentaire
Origine : France
Durée : 35 mn
En salle le 1er juin 2022
 

 

Crédits photos et vidéo : 81⁄2 Distribution /Piera Productions

 

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